Quand on écoute l'audition auprès de l'Arcom, il n'est pas étonnant que le projet d'Ouest-France ait été retenu, tant l'équipe d'Ouest-France disait ce que l'Arcom voulait entendre. « Nous pensons comme vous », répétaient ses représentants. La même chose, et surtout le même langage.

François-Xavier Lefranc, président d'Ouest-France, était accompagné de ses acolytes. Il a présenté son projet dans un langage marketing maîtrisé et propre, qui montrait une bonne connaissance des attendus du régulateur. Avec de longs laïus sur le « territoire » qui était le mot-clef de cette audition, Ouest-France a su convaincre le régulateur. « Notre engagement est d'être exemplaire. »

La représentation des acteurs locaux (« nos pêcheurs, nos agricultrices, nos bénévoles, nos entrepreneuses », nous apprend Edouard Reis Carona dans cette audition), sera assurée, et en plus ce sera « la chaîne de la vraie vie et des vrais gens ». D'ailleurs cette chaîne sera « la première à être installée ailleurs qu'à Paris. »

Ouest-France a promis de donner la parole à des « personnalités de la télévision et des réseaux sociaux » dans son émission phare le « Talk en vrai ». La chaîne sera « incarnée par des talents qui ont des communautés digitales fortes ». L'objectif ? Donner un sentiment de représentation à celles et ceux qui vivent loin des centres urbains.

L'Arcom choisit qui peut s'exprimer

Pour le régulateur, le projet pouvait apparaître comme sérieux tout en proposant la rupture avec le tout Bolloré qu'il désirait. Après avoir condamné 32 fois C8, l'Arcom cherchait sans doute à proposer autre chose. Dans le même temps, des appels forts sur les réseaux sociaux et des pétitions pour que « Le Média » (un média alternatif de gauche au financement participatif) obtienne un canal mettaient l'instance de régulation sous pression.

Ce projet d'un média apaisé, loin du buzz de Paris, qui propose de faire des parties de « cache-cache géant dans les territoires », et de diffuser des fictions qui racontent « la vie, la vraie ; qui font rêver et qui font réfléchir » – ce projet a su séduire. D'autant qu'il sera financé par des « banques des territoires » et par des entrepreneurs locaux.

L'Arcom, en donnant ce canal à Ouest-France, a d'une certaine manière accédé à la requête de la gauche d'avoir autre chose que Bolloré à la télévision. « La ligne de Ouest-France est très macron-compatible, nous sommes bien placés à Nantes pour le constater au quotidien dans les colonnes de la presse, » a pourtant déploré le média indépendant nantais Contre Attaque.

L'Arcom a choisi ce que serait l'opposition à l'extrême droite. Et pour elle, ce ne sera pas « Le Média », ce sera OFTV. Ce projet « né loin de Paris, pensé loin de Paris » s'exprime de la même manière que l'Arcom. « Le Média », dans son audition, n'a pas manipulé avec la même aisance le langage marketing et digital.

Pourtant, quand elle s'exprime, l'opposition s'exprime hors des codes dominants. C'est la limite de laisser la décision de qui peut s'exprimer à une instance de régulation : elle n'acceptera jamais aucun projet qui ne s'exprime pas selon ses règles, selon ses codes.