Le 2 janvier 2022 à 1h08
Julien
Militant
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La construction du genre - changer les normes : renverser ou renforcer la domination ?
Pour comprendre la dimension productive du pouvoir, on ne peut admettre l’existence préalable des sujets sur lesquels un tel pouvoir agit. Pour achever cette présentation du pouvoir et des normes chez Butler il est donc nécessaire de montrer comment le sujet se construit avec le pouvoir et les normes et comment la manière d’envisager cette construction permet d’aboutir à des stratégies d’émancipation.
« En effet, la capacité de développer une relation critique à ces normes présuppose une distance par rapport à elle, une capacité à suspendre ou différer le besoin de ces normes, alors même que s’exprime le désir de normes qui n’empêcheraient pas de vivre. La relation critique dépend de surcroît d’une capacité, nécessairement collective, à élaborer une version alternative, minoritaire, d’idéaux ou de normes qui nous soutiennent et nous permettent d’agir. Si je ne peux être sans faire, alors les conditions de mon faire sont, en partie, les conditions de mon existence. Si mon faire dépend de ce que l’on me fait, ou plutôt des manières dont je me suis faite par les normes, alors la possibilité de ma persistance en tant que « je » dépend de ma capacité à faire quelque chose avec ce que l’on fait de moi. Cela ne veut pas dire que je peux refaire le monde de sorte à en devenir la créatrice. Ce fantasme d’un pouvoir divin n’est qu’un refus des différentes manières dont nous sommes constitués, nécessairement et depuis le départ, par ce qui est avant et hors de nous. Ma puissance d’agir [agency] ne repose pas sur le déni de cette condition de ma constitution. Si je suis pourvue d’un tant soit peu de puissance d’agir, c’est parce que je suis constituée par un monde social que je n’ai jamais choisi. Que ma puissance d’agir soit morcelée par ce paradoxe ne signifie pas qu’elle est impossible. Cela signifie simplement que le paradoxe est sa condition de possibilité. »
Judith Butler (2006 :15)
On peut se demander alors dans quelle mesure Butler essaye de se rattacher à une conception foucaldienne du sujet tout en travaillant dans un cadre psychanalytique. Parce qu’elle étudie la construction du sujet éthique.
Une fois qu’on a défini les structures sociales, quelles sont les marges de manœuvre pour changer ces structures ? Macherey (2009) pose l’alternative de laquelle il faut sortir : soit le pouvoir n’a de prise qu’extérieure et l’on peut espérer s’en défaire en suivant les promesses de « libération », soit le pouvoir est constitutif et l’on est « toujours déjà piégés(1) ». C’est pourtant en acceptant avec Foucault et Butler la thèse d’un pouvoir immanent que l’on doit espérer l’émancipation non pas comme sortie de l’emprise du pouvoir et des normes, mais comme auto-nomie au sens littéral de détermination des normes par soi et pour soi. C’est bien ce que propose Butler avec la notion d’agency(2) même si l’on doit interroger les conditions qui fondent chez elle l’autonomie du sujet.
On trouve dans l’introduction de Bodies that matters la formulation du débat qui justifie la question de la construction du sujet. Soit (1) le constructivisme est réduit à la position d’un monisme linguistique (tout ne serait que langage), et l’on se demande ce qu’il advient du corps, soit (2) la construction est réduite de manière figurative à l’action verbale (le langage n’est qu’une action comme une autre) mais cela présuppose l’existence d’un sujet de cette action. Cela nous amène à nous demander : « Si le genre est construit, alors qui construit le sujet(3) ? » Il paraît alors nécessaire de revenir sur la théorie du langage pour montrer l’intérêt de mettre le sujet au centre de la stratégie politique butlerienne
1 Comment une fiction devient-elle vraie ?
La posture postmoderne ferait dire au pied de la lettre que tout n’est que construction et fiction, et que rien n’est vrai ou rien n’existe en dehors de nos représentations. Quel sens y a-t-il alors à concevoir le genre (ou d’autres catégories sociales) comme des fictions ? Cela rappelle la critique d’Adorno et Horkheimer (1944) pour qui la Raison ne serait qu’un mythe comme les autres en étant plus dangereux parce que cachant ses propres fondements, son propre caractère fictionnel. L’idée de fiction est plus forte que celle de construction puisqu’elle tend à saper tout fondement essentialisant, qu’il soit naturel ou culturel. Parler du genre comme une fiction, parler du sujet comme une fiction revient à dire que ce sont des représentations, des histoires qui n’existent qu’à travers le fait de les raconter. Il faut donc voir l’intérêt de critiquer le risque d’essentialiser ou d’universaliser la construction du genre. D’un autre côté en utilisant le terme de « fiction » on risque aussi de soutenir un discours qui ferait du genre (ou d’autres catégories sociales) de simples productions du langage, de l’esprit, indépendantes de la matérialité. Comment comprendre l’idée de « fiction » sans se couper des relations sociales concrètes ? C’est tout l’enjeu de la philosophie de Judith Butler et c’est tout l’enjeu d’une réflexion politique actuelle. Nietzsche ou Foucault à travers la méthode généalogique ont voulu montrer comment certaines fictions en viennent à se naturaliser et parviennent à construire notamment des formes de moralité qui bien que fictionnelles n’en demeurent pas moins vraies, c’est-à-dire inscrites dans des régimes de vérité, de savoir-pouvoir ayant des effets sociaux et politiques.
Aujourd’hui encore il paraît pertinent d’utiliser le concept de « fiction » pour rendre compte du caractère contingent des constructions sociales telles que les races humaines ou le genre. L’absence de fondements naturels, biologiques ne rendent pas moins ces constructions effectives (l’inexistence des races ne rend pas moins vrai le racisme (Bessone 2013). « Le fait que la réalité est une construction sociale ne veut pas dire qu’elle n’existe pas » (MacKinnon 2001) . L’absence de justifications morales ou scientifiques ne rend pas moins productrices et destructrices nombre de fictions sociales. La question posée par les postmodernes n’est donc pas de savoir si les fictions renvoient à quelque chose de vrai ou de faux, d’authentique ou d’universel mais plutôt de se demander comment ces fictions parviennent à s’établir comme vraies, comme authentiques et universelles, autrement dit comment les normes contingentes visent toujours à s’instituer dans la durée et la nécessité ou comment nos gestes et nos discours façonnent des effets de naturalisation et de vérité. L’exemple de la performance drag (Butler 1990) ou le récit de l’expérience trans (Serano 2007) appuient l’absence d’une essence féminine pré-sociale, qui serait authentique et que les normes masqueraient. Toute identité est fiction.
La limite alors à poser est celle de notre puissance d’agir, de notre marge de liberté sur ces fictions sociales (l’État et la famille en faisant bien sûr partie). S’il y a dans la fiction l’idée d’une histoire qu’on raconte et qu’on se raconte, c’est d’abord une histoire qu’on répète et qu’on se répète, individuellement et collectivement pour lui donner le sens qu’on aimerait y voir. Quelle importance alors donner au langage dans la construction et la déconstruction possible et souhaitable de ces fictions sociales ? Si l’on comprend l’idée que les représentations agissent sur notre vie, celles-c suffisent-elles à maintenir les conditions matérielles d’existence ? Une telle affirmation du pouvoir du langage revient-elle à subordonner la réalité au mental ?
L’idée de performativité sert à expliquer la manière dont sont construites et se maintiennent les normes et à partir de là à proposer une manière de faire proliférer de nouvelles normes. Il faudra alors distinguer ces trois moments que l’on pourra décrire avec Legrand (2007) comme l’imposition d’une pratique ou d’un discours (normation), son maintien (normalisation) et la signification ainsi que l’intention qui peuvent s’y rapporter (normativité). Ainsi on pourra accorder à la théorie performative plus ou moins de pertinence à l’expliquer de l’un ou de l’autre des phénomènes. Si l’explication de la construction des normes avec la théorie du langage d’Austin est attirante, cela ne semble pas expliquer pourquoi il y a certaines normes et pas d’autres (ce que font les matérialistes).
Les énoncés performatifs. Le philosophe du langage britannique John Austin (1962) s’est intéressé aux effets de certains énoncés qu’ils va appeler « performatifs » dans l’idée qu’ils performent une action, ce qu’il faut comprendre comme le fait que ce type d’énoncés n’ont pas d’effets en vertu de ce qu’ils signifient, de ce qu’ils veulent dire mais plutôt dans ce qu’ils permettent de faire, des effets qu’ils produisent quand ils sont prononcés. Un exemple classique est le mariage. Le maire qui déclare : « vous êtes unis par les liens sacrés du mariage » ne fait pas une description, ni une prescription mais agit à travers sa parole et réalise de ce qu’il dit en le disant. C’est parce qu’il fait cet énoncé que l’énoncé est vrai, qu’il a des effets.
On notera déjà l’importance du sujet de l’énoncé et sa coïncidence avec le sujet de l’action. Si l’on comprend que dans l’énoncé « Je te promets » la promesse est effective, ce n’est pas le cas si le sujet de l’énoncé est différent du sujet de l’action. Une tierce personne qui dirait « il te promet » ne pourrait pas remplir les conditions d’un énoncé performatif, mais ne pourrait faire qu’une description. Cet exemple montre que parmi les conditions de réussite d’un énoncé performatif, le rôle des sujet est important. Les nombreuses réflexions sur l’interpellation vont s’intéresser à la dimension performative du verbe « être » quand je dis « je suis ceci » ou quand on dit de moi « tu es cela ». Si on peut faire des choses avec les mots, si le langage produit une réalité, la transforme, jusqu’où peut-on dire que cette réalité existe en dehors du langage ? La position de Butler est radicalement constructiviste : il n’y a rien qui préexiste au langage.
En reprenant les analyses du langage d’Austin notamment elle va essayer de montrer le caractère performatif des normes. « J’essaie donc de penser la performativité comme cette dimension du discours qui a la capacité de produire ce qu’il nomme.(4). » L’idée du performatif est de montrer que la reprise prescriptive de la norme ne repose pas sur une moyenne mais sur une représentation de celle-ci qui n’est qu’une fiction et que cette fiction à force d’être invoquée comme référence pour la norme devient effective et devient vraie. Cela revient à dire que la norme est son propre fondement. On peut comprendre ce phénomène avec l’idée de prophétie auto-réalisatrice. Il suffit de dire qu’il y a une pénurie d’essence pour que cela génère des comportements qui produisent la pénurie d’essence ! Il suffit de dire qu’il n’existe que deux genres pour que les individus se comportent d’une manière ou d’une autre, mais pas davantage confortant l’idée qu’il n’existe que deux manières pour les individus de se comporter. « À force d’invoquer performativement un « avant » anhistorique, on réussit à en faire la prémisse fondatrice garante d’un ontologie pré-sociale » (Butler 1990 : 63).
La question qui nous intéresse ensuite est de savoir ce qu’il est nécessaire et/ou suffisant de dire pour engendrer des comportements émancipés ou émancipateurs. Suffit-il de dire « vous êtes libres » à la manière d’un juge pour que nous le soyons réellement ? On peut également expliquer la difficulté à faire émerger de nouvelles normes par le conflit social et l’intérêt incorporé par les dominés de garder leurs positions privilégiées. La théorie performative butlerienne doit alors rendre compte de la manière dont la construction des sujets s’appuie sur les conflits de normes pour renforcer l’ordre établi.
À partir de là on doit se poser plusieurs questions :
– s’il y a une dimension performative dans la construction de la norme, est-ce la seule ? Peut-on réduire le fondement de toute norme à une fiction discursive ?
– la dimension performative se réduit-elle au langage ou peut-elle s’appliquer au corps ? Il faudrait interroger la manière dont Butler rend compte des gestes et des paroles.
– dire que la construction est performative est-il suffisant pour proposer une déconstruction des normes ?
Une dimension importante de la théorie de Butler s’appuie à montrer qu’il n’y a pas de sujet, de subjectivité sans langage. Elle s’appuie à la fois sur la théorie des actes de langage et sur la psychanalyse pour montrer que le sujet est une construction performative. Mais elle entend « actes » et « sujets » comme des choses qui participent d’un processus de répétition et se distingue en cela d’Austin et de conceptions subjectivistes classiques (comme Hegel).
« Si l’on ne devient un sujet qu’en entrant dans la normativité du langage, alors ces règles précèdent et orchestrent la formation même du sujet. Certes, le sujet entre dans la normativité du langage, mais il n’existe avant cela que comme une fiction grammaticale(5). » (Butler 1997 : 212)
Si l’on s’en tient à la seule formule du sujet comme une « fiction grammaticale » on donne au langage un pouvoir considérable. Mais ce qui est dit ne semble pas si radical. Parler de « sujet » n’est pas la même chose que de parler d’un individu ou d’un corps. Il serait trop facile de rejeter la thèse butlerienne sous prétexte qu’elle ferait du corps, de la matérialité une simple fiction discursive, faisant d’une telle position un idéalisme naïf. La notion de « sujet » est en cela bien une production du langage, des normes du discours dans ce qu’elle désigne socialement ce qui est reconnu comme sujet. On comprend mieux la définition du sujet de Butler quand elle l’oppose à l’« abject » désignant les personnes qui ne sont pas intelligibles dans l’espace public, qui n’ont même pas le droit d’apparaître(6). Même si le sujet ne serait qu’une construction discursive, cela suffit-il à restreindre le domaine de production et de maintien des normes et des rapports sociaux à la seule sphère du langage ?
Butler (1997) dit avec raison que les mots peuvent blesser et atteindre la matérialité du corps autant que les agressions physiques peuvent marquer l’esprit. Mais dire cela ne suffit pas à montrer la capacité d’agir du langage. Elle montre que le sujet est construit par le langage, ce que j’admets, mais dans quelle mesure peut-il se construire ou se déconstruire ? Elle rappelle avec Foucault que les effets des normes et des discours dépassent les sujets autant que les conditions qui rendent possibles certains effets désirés ou non. Cela renforce l’idée que l’action de subversion ne peut s’envisager que collectivement.
Une stratégie récurrente dans les textes de Butler est de montrer comment des pratiques ou des positions prétendument subversives tendent en fait à réifier et renforcer les normes visées. Le premier exemple déjà cité est celui de la catégorie de « femmes » (Butler 1990). Un autre est celui de l’insulte homophobe (1997). Elle critique l’approche juridique qui voudrait condamner les insultes homophobes au motif que reconnaître la capacité de certains mots à signifier la dévalorisation d’une pratique sexuelle c’est affirmer et renforcer la puissance de ces mots et donc renforcer les conditions qui rendraient ces insultes effectives. Dans le débat elle s’oppose à MacKinnon qui est juriste et qui travaille donc dans le cadre étatique législatif, duquel cherche précisément à se défaire Butler. L’auteure du Pouvoir des mots pense qu’en condamnant l’insulte homophobe cela reviendrait à essentialiser les stigmates et donc renforcer les représentations qui rendent ensuite possible l’insulte. Cela serait reconnaître d’une part qu’il existe des mots qui sont essentiellement insultant (ce qui suppose qu’ils réfèrent à des essences fixes) autant que cela renforcerait le pouvoir de l’État dans sa fonction régulatrice. Cela révèle une forte tension et pose de sérieux problèmes. Si on suit cette logique, utiliser un mot c’est affirmer la capacité qu’a ce mot à désigner la réalité et ne pas l’utiliser serait affaiblir la légitimité de cette réalité. Mais cela ne revient-il pas naïvement à croire que si l’on arrête de parler de l’oppression celle-ci cessera d’exister ? Puisque le risque opposé est bien celui-ci : taire ce qu’on souhaite dénoncer, ce qui semble paradoxal. Ainsi parler de domination masculine serait essentialiser la femme dans une posture de dominée, renforçant ainsi la représentation et la structure qui perpétue cette domination. Si l’on peut entendre cet argument on ne peut abandonner les concepts qui rendent compte d’une réalité sociale que l’on combat sans courir le risque d’invisibiliser et donc de renforcer les inégalités !
Il faudra comprendre plus loin l’enjeu d’une re-signification qui est à l’origine du retournement de stigmate par le mouvement Queer. Pour autant, ce qu’il regarder ce sont les conditions qui rendent possibles la construction de sujets à travers des actes et des discours, et les effets émancipateurs ou conservateurs de ceux-ci. Ensuite, affirmer que la déconstruction des normes, des rapports sociaux genrés ne repose que sur le langage présuppose que la construction n’est elle-même que discursive. C’est la question que posent les féministes à Butler (Delphy 2001, Fraser 2005).
2 Peut-on penser le genre sans l’existence d’un sujet préalable ?
2.1La place du sujet dans la philosophie de Butler
La philosophie de Butler est une pensée du sujet. On peut lire de nombreuses critiques matérialistes (Delphy, McKinnon, Lovibond, Garcia 2015) qui pointent ce qui serait un individualisme, une pensée trop égocentrée et en cela illusoire sur le plan de l’émancipation. Or on ne peut se contenter d’une analyse des structures sociales sans rendre compte de la manière dont celles-ci produisent et affectent les sujets. La question serait plutôt de pouvoir situer les limites de ce qui relève d’une théorie sociale par rapport à des discours psychanalytiques ou éthiques. Ce n’est pas ce que fait Butler puisqu’elle cherche à montrer (2005, 2014) en faisant la critique des positions traditionnelles (Lacan, Hegel) en quoi le sujet politique est aussi un sujet éthique et de désir.
Butler fait une critique du sujet philosophique classique. Comme je l’ai déjà dit la question du sujet émerge chez Butler parce que c’est ce qui apparaît comme l’impensé de beaucoup de théories de l’action ou de théories sociales. Ce n’est pas un hasard si l’intérêt pour le sujet et l’éthique s’inscrit chez une philosophe plutôt qu’une sociologue. Malgré toutes les critiques qu’elle peut faire, elle reste sur le terrain qu’ont construit les philosophes, avec les biais et les zones d’ombre que cela implique et qu’il faut s’efforcer de défricher et déchiffrer.
Elle voit un intérêt au sujet psychanalytique dans la construction du désir par le langage. On peut en cela s’étonner de l’intérêt de la psychanalyse tant les discours fondateurs de cette discipline sont hétéronormatifs, homophobes et réactionnaires (Butler 1990, Eribon 1999, 2001). La dimension psychanalytique qui fait du langage un outil de construction du sujet semble primordiale et déjà on peut évacuer certaines accusations d’individualisme. La construction du sujet est toujours un processus de relation à autrui, et cet autrui ne se réduit pas non plus à l’Autre dans sa figure idéaliste (Butler 2005a). L’intérêt de la philosophe pour la psychanalyse se justifie par l’idée que le langage fait partie de la construction du sujet, de ses représentations et de ses désirs.
Elle ne renonce pas à étudier l’éthique. Telle que l’envisage Butler ce n’est pas la recherche du bien, mais l’étude des conditions qui permettent à un sujet d’être sujet d’une vie bonne (2014). Elle s’inspire notamment de Hegel (en faisant la critique de la dialectique du maître et de l’esclave notamment (2005a) et de Foucault (1984) pour chercher à montrer comment le sujet se construit dans son rapport aux autres en prenant en compte notamment la question de la reconnaissance sociale.
Le sujet comme réalité sociale n’est pas qu’un individu. Butler ne nie pas la force des structures sociales et la manière dont elles façonnent des individualités. Elle insiste en revanche sur la capacité de chacun·e à agir à l’intérieur de ces cadres sociaux. Il ne faut donc pas replier l’idée de sujet sur celle de l’individu. Que ce soit dans ses réflexions sur la psychanalyse ou sur l’éthique, il faut comprendre que les conditions de nos « subjectivité », de nos « moi » ou nos « ego » dépendent en partie de nous, mais pas entièrement. C’est pour cette raison qu’il faut comprendre que le constructivisme butlerien diffère de ce qu’on pourrait voire comme un constructivisme existentialiste(7) ou de l’acte.
La conception butlerienne de la construction sociale oppose une vision performative qu’elle défend face à ce qui ne serait qu’un constructivisme déterministe. C’est parce que les structures sociales ne sont jamais acquises qu’il faut les construire, qu’elles sont sans cesse en construction et c’est parce que cette construction constante des rapports et des catégories sociales comme du sujet requiert la participation et donc la liberté des agents que l’on peut espérer sortir d’un apparent déterminisme. Adopter une thèse constructiviste n’est donc pas en soi révolutionnaire si on se contente de reconduire une vision naturaliste sous la forme du conditionnement et de la rigidité des structures sociales.
Cela traduit l’idée que, si on reprend le mot de Beauvoir « on ne naît pas femme, on le devient », il faut dégager plusieurs choses : – (1) l’idée de la femme est une construction subjective (qui s’effectue par et à travers le sujet) ; – (2) cette construction n’est pas évidente, spontanée ou naturelle ; – (3) cette construction n’est jamais achevée(8) et (4) ne dépend pas d’un acte originaire comme on peut le lire dans la littérature existentialiste (Heidegger, Sartre). Concrètement on peut situer la puissance d’agir dans cet écart ouvert entre la nécessité de se conformer aux normes pour être reconnu·e comme femme ou homme et la liberté de semer le trouble dans les normes de reconnaissance pour affirmer son identité propre, parce que les normes binaires de genre ne suffisent pas.
Si la femme n’était que le développement social du corps féminin de l’enfant, alors le genre ne serait que l’expression du sexe, mais j’ai déjà montré les impasses d’une telle conception. La non coïncidence entre le sexe et le genre suffit à montrer que l’identité de la femme ne peut s’imposer extérieurement depuis des normes sociales vers un corps féminin. Il y a donc bien (1) une dimension productive du sujet dans les deux sens : le sujet est producteur et production. Ensuite on comprend bien que puisque l’action du sujet est en jeu, cette construction n’est pas évidente ou automatique (2), elle implique la construction du sujet lui-même dans son rapport aux normes existantes, dans leur questionnement, leur acceptation ou leur rejet. D’une certaine manière on peut dire que cela relève d’une forme de choix. Mais ce choix n’est pas déterministe dans le sens où il serait impossible de revenir en « arrière » ou de faire un autre choix. Si le genre est une construction qui n’est jamais terminée (3) c’est parce qu’elle doit être sans cesse reconduite, à travers la répétition des normes, attitudes, manières, habitudes, paroles, etc. qui donnent l’impression de permanence et de stabilité des normes. On comprend mieux alors que s’il y a un choix répété, celui-ci n’est jamais définitif ni constitutif (4) puisqu’il peut être remis en cause à tout moment (avec des conséquences différentes selon la rupture visée). C’est sur cette conception constructiviste non déterministe que Butler va développer la théorie performative, pour expliquer cette répétition et les effets de naturalisation qu’elle entraîne.
Pour autant, si nous comprenons un peu mieux comment le sujet est producteur de son genre, il nous faut encore montrer comment il est lui-même produit.
Il ne faut pas confondre la performance et la performativité. Si l’on réduisait la théorie performative de Butler à la performance on reconduirait un constructivisme de l’acte qu’elle dénonce (Butler 1990, 1997, 2005). La condition première de l’agency se trouve dans le fait que « le sujet n’est pas déterminé par les règles qui le créent, parce que la signification n’est pas un acte fondateur, mais un processus régulé de répétition » (1990 : 271). Si j’ai montré plus haut comment elle s’est inspiré d’Austin (« de penser la performativité comme cette dimension du discours qui a la capacité de produire ce qu’il nomme »), elle fait « ensuite un pas de plus, à partir d’une réécriture d’Austin inspirée par Derrida, en suggérant que cette production a toujours lieu dans les faits à travers une certaine répétition et re-citation(9) ». Cela paraît trivial mais cela n’exprime que le fait que les normes persistent parce que nous les répétons quotidiennement.
Pour reprendre l’exemple paradigmatique de la consécration d’un mariage par le maire, cela signifie qu’il peut marier un couple parce qu’il a déjà marié d’autres couples avant. Cela ne se réduit pas au langage, car même s’il est nécessaire qu’en tant que représentant de l’autorité civile l’élu de la ville doive prononcer des mots, il y a aussi d’autres conditions qui rendent valides juridiquement et socialement un mariage.
Austin précise que pour qu’un énoncé performatif réussisse il doit répondre à certaines conditions matérielles, extra-linguistiques. Pour qu’un mariage soit officialisé il doit être annoncé par un maire, à qui l’on a « conféré des pouvoirs ». Ainsi pour que des paroles produisent des effets, elles doivent satisfaire des conditions particulières (codes, traditions, contextes, etc.). Mais le philosophe rappelle aussi que certains de ces énoncés performatifs échouent à produire les effets recherchés, malgré le respect de ces normes.
Butler va s’intéresser particulièrement à ces cas là pour montrer que depuis les « ratés, une variété de configurations incohérentes qui, par leur multiplicité, excèdent et défient » l’injonction qui les fait advenir (1990 : 271). C’est dans la répétition et la variation qui naît de la répétition que se situe l’espace nécessaire au déploiement de la puissance d’agir.
On peut aussi dire que les conditions matérielles ne sont que des effets performatifs : le Maire tire son autorité de la répétition des énoncés performatifs qui lui confèrent le pouvoir de les rendre effectifs. Cela appuie l’idée qu’une norme n’est jamais interprétable en dehors d’un ensemble d’autres normes qui viennent construire une même chose : le genre en ce sens ne peut se réduire à une pratique ou un discours mais encadre des gestes et des paroles qui fonctionnent ensemble et qui séparées peuvent être déstabilisées.
L’autorité du Maire et sa capacité à rendre les énoncés qu’il prononce performatifs semble lui être conférée par son titre, sa place dans l’ordre social. Une autre manière de voire les choses est de faire reposer cette autorité, et ce pouvoir seulement dans les gestes et paroles qui produisent les effets qu’on attend des gestes et paroles d’une personne de ce rang. Cette analyse déplace alors le point de vue purement institutionnel. L’autorité dépend de ce dont l’auteur est l’auteur, de ses actes. Ce n’est pas son titre qui assure son autorité mais c’est l’autorité acquise à travers les actes qui renforcent la place sociale du Maire.
Si j’ai insisté avec Butler et Foucault sur la dimension productive du pouvoir, celle-ci doit être envisagée comme « involontairement créatrice » (Butler 1990 : 103). La répétition de la loi, de la règle n’est jamais une copie à l’identique, la fiction étant elle-même déjà une parodie. Le pouvoir produit les sujets en les soumettant à des normes, mais il ne contrôle pas cette production. Ceci explique pourquoi tout le monde ne se soumet pas docilement aux normes et nous permet de sortir du cercle vicieux qui ferait du sujet un producteur de normes le produisant lui-même.
Cela ne nous dit toujours rien sur cette puissance que le sujet peut avoir dans la construction des normes. En quoi consiste-elle ? La puissance d’agir désigne la marge de liberté que l’individu ou les groupes peuvent avoir face aux déterminismes sociaux. Cela veut-il dire qu’il faille s’opposer aux normes ? Les normes et le pouvoir sont aussi ce qui rend possible la puissance d’agir. Il n’existe pas de puissance d’agir sans normes.
Pour Fraser (2005) il suffirait de défaire son identité de manière performative, et pour Bruno Ambroise (2010) la subversion revient à « faire valoir l’arbitraire de la norme », à révéler son caractère parodique pour « ré-ouvrir les possibles que sa naturalisation masquait » (2010 : 155). Effectivement Butler insiste sur la capacité d’action à travers la dimension performative des corps et des discours, dans la dimension parodique des normes. Mais cela ne peut se réduire comme nous l’avons dit à des actes isolés. La subversion pour être effective doit être répétée par chacun·e et par tou·te·s.
Il ne faut pas croire que ce que propose Butler est un individualisme. Nous héritons toujours de normes qui nous précèdent et nous devancent autant que nos actes dépassent nos simples subjectivités. On ne fait pas son genre tout seul !
« En fait, les individus s’appuient sur des institutions et des réseaux de solidarité afin d’exercer leur pouvoir d’autodétermination relativement au corps et au genre qu’ils souhaitent avoir et maintenir, de sorte que l’autodétermination ne prend sens que dans le contexte d’un monde social qui soutient et rend possible l’exercice de la puissance d’agir. Réciproquement (et en conséquence), changer les institutions par lesquelles les choix humains viables sont établis et maintenus semble être le prérequis de l’exercice de notre pouvoir d’autodétermination. En ce sens, la puissance d’agir individuelle est liée à la critique et à la transformation sociale. Nous ne pouvons déterminer notre “propre” sens du genre que dans la mesure où les normes sociales existantes étayent et rendent possible l’acte de revendiquer un genre à soi. Nous dépendons de cet « en dehors » pour affirmer notre propre sens du genre. Le soi doit, de cette façon, se perdre dans la socialité afin de prendre possession de lui-même(10). »
On ne choisit pas son genre simplement en disant « je suis ceci » ou « je suis cela ». Ce que veut dire Butler en revanche c’est que chaque fois qu’une personne est interpellée comme « ceci » ou « cela » alors les paroles renforcent les normes qui rendent possibles la perception et la reconnaissance sociale du corps qui est perçu comme ceci ou cela. Les notions de sujet, de pouvoir, de genre, de nature n’existent qu’à travers la répétition d’actes et de paroles qui produisent des effets de pouvoir, de nature, de sujet.
Conclusion provisoire (première partie)
L’intérêt de comprendre la ligne de partage entre les positions constructivistes et essentialistes n’est pas seulement utile pour penser l’émergence historique des courants postmodernes ou matérialistes face aux féminismes différentialistes ou socialistes. Ce clivage constitue encore la ligne de front sur laquelle s’affrontent les théoricien·ne·s et militant·e·s. D’un autre côté on reproche souvent à Butler d’offrir une théorie constructiviste trop volontariste, donnant plus de pouvoir au sujet qu’aux déterminismes sociaux qui sont censés le contraindre. Il nous faut encore pousser la critique de sa stratégie d’émancipation par le discours en interrogeant les différences entre sa vision et ce que propose Bourdieu avec la notion d’habitus. Comment une resignification des normes préalablement néfastes est-elle possible et souhaitable sans courir le risque de renforcer les structures sociales que l’on souhaite abolir ?
Il faut pouvoir rendre compte des conflits de normes sans quoi l’on risque de tomber dans une vision linéaire, universaliste et progressiste des normes par laquelle on expliquerait qu’une nouvelle norme meilleure viendrait remplacer une norme ancienne moins juste, en ne cherchant qu’à montrer les mécanismes plus ou moins efficaces de résistance au « progrès ». La théorie performative appuie l’idée qu’aucune norme n’est établie mais que toutes sont sans cesse répétées et donc réinvesties quotidiennement. Cela suppose que les normes dites « alternatives » ou « subversives » ne sont jamais investies en dehors du champ déterminé par les normes hégémoniques puisqu’elles sont toujours implicitement prises en compte dans un rapport de conflictualité plus ou moins assumé qu’il reste à interroger.
L’affirmation du constructivisme, de l’immanence du pouvoir, de la dynamique et du caractère performatif et fictionnel des normes semblent nécessaires mais ne suffisent pas encore à montrer en quoi la puissance d’agir du sujet ou du collectif peut laisser espérer des stratégies d’émancipation à travers la prolifération des normes subversives. En effet, que la réalité sociale soit construite n’enlève rien à son efficacité, que le pouvoir soit relationnel ouvre des perspectives d’émancipation autant qu’il assoit son hégémonie, que les normes soient performatives et contribuant à renforcer des structures comme fictions naturalisées n’explique pas non plus pourquoi nous maintenons ces fictions en place.
Quel rapport aux institutions, à l’État est envisagé dans la théorie d’émancipation de Butler ? D’un côté le cadre législatif tend à réifier les rapports sociaux et figer les normes dans le marbre, de l’autre côté la lutte juridique semble nécessaire à la révélation de son caractère injuste. Pourrait-on imaginer avec Butler un combat dans les institutions contre les institutions ? Ce ne semble pas être son angle d’attaque mais l’on doit pouvoir imaginer des stratégies visant l’autonomie en faisant une critique encore plus poussée de sa théorie du performatif, en la faisant dialoguer avec Bourdieu mais également Castoriadis ou Lordon afin d’espérer, dans le cadre matérialiste postmarxiste qu’on se donne, proposer des stratégies d’émancipation efficaces et cohérentes.
Bibliographie
John Austin, Quand dire c’est faire, Seuil, 1970 (1962)
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(1) Pierre Macherey, De Canguilhem à Foucault la force des normes, La Fabrique, 2009, p.87
(2) Parce que ce terme est polysémique, renvoyant tantôt à la puissance ou capacité d’agir de l’agent, tantôt à l’intentionnalité, je souhaite conserver le terme anglais pour me référer à l’usage qu’en fait Butler, sinon je préférerai l’expression de « puissance d’agir » à celle d’agentivité ou d’agence.
(3) Butler (1993 : xvi)
(4) Judith Butler, Humain, inhumain Le travail critique des normes, Paris 2005, Ed. Amsterdam, p.17-18
(5) Pouvoir des mots, p212
(6) Butler (2015)
(7) Je pense à Jean-Paul Sartre et l’idée d’un projet existentiel tel qu’il le développe dans L’être et le néant, 1943 où l’enfant que l’on désigne comme voleur va devenir un voleur. Il reste une marge de manœuvre dans la négation de ce qu’on fait ou qu’on veut faire de nous mais ce n’est pas la même liberté que celle qui est mise en œuvre par Butler.
(8) Cela nous offre la possibilité de définir aussi le genre comme le feront les militant·e·s queer non plus comme un état ou une identité réifiée mais davantage comme un processus, un mouvement.
(9) Judith Butler, Humain, inhumain Le travail critique des normes, Paris 2005, Ed. Amsterdam, p.17-18
(10) Défaire le genre, p.19
Vindicte - dernière mise à jour le 26 juillet 2024
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