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La Vindicte ElliptiqueÉtat sordide des prisons françaises. Une réalité affligeante.

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État sordide des prisons françaises. Une réalité affligeante.

La Vindicte Elliptique🕵️ Dossiers

Le 5 août 2022 à 4h11

ClaireI
Partisane

13 sujets
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Prison/Lutte des classes
Il est des sujets qui reviennent sur la table comme une implacable ritournelle. La condition de nos prisonniers en France en fait partie.
Les récents épisodes de canicule qui ont frappé l'ensemble du pays ont été encore une fois l'occasion de le constater. Ces derniers jours, en effet, les prisonniers suffoquent. Ils réclament des frigos, des glaci

Il est des sujets qui reviennent sur la table comme une implacable ritournelle. La condition de nos prisonniers en France en fait partie.

Les récents épisodes de canicule qui ont frappé l'ensemble du pays ont été encore une fois l'occasion de le constater. Ces derniers jours, en effet, les prisonniers suffoquent. Ils réclament des frigos, des glacières, des produits frais, des douches fraiches ainsi que la possibilité de se doucher une fois par jour. Autant d'éléments qui sauvent n'importe quel quidam dans ces périodes caniculaires. Ces besoins sont pourtant accentués et bien plus urgents dans les établissements pénitentiaires qui souffrent d'une surpopulation chronique.

Mais l'état des prisons combiné à cette surpopulation rend encore plus illusoires et lointaines les notions de dignité - on ne parlera même pas de confort, nous n'en sommes vraiment pas là - et d'humanité au sein de ces établissements. Fautes d'installations électriques fonctionnelles, certains détenus ne peuvent avoir de frigos, de ventilateurs ou de glacières dans leurs cellules de moins de 10 m2 bien souvent partagées à trois voire quatre personnes. Sans surprise donc, la canicule n'arrange pas le sort des prisonniers français. Si de nombreux établissements administratifs n'ont pas été conçus pour des températures atteignant les 40° C, il en va ainsi, bien évidemment des prisons, souvent dépourvues d'isolation thermique ou de systèmes d'aération.

Un constat figé malgré les condamnations

A l'occasion de la visite de certains députés, dont Louis Boyard (FI) ou Rachel Keke (FI), ainsi que leur permet leur statut de parlementaire1, plusieurs articles de presse2 ont donc remis en évidence la particulière indignité des conditions de détention, exacerbée par les fortes chaleurs. Comme lors de la pandémie de Covid19, ce sont encore les conditions de vie de nos prisonniers qui sont les plus altérées par de tels évènements.

Au-delà de l'émotion suscitée par de telles visites et de telles descriptions quant à l'état d'insalubrité des prisons et la surpopulation carcérale, on peut également s'interroger sur l'existence d'une réelle volonté politique de faire évoluer ces conditions déplorables. Car dès lors que l'on se penche sur le sort des détenus français et sur la situation des prisons françaises, on croit tomber dans une spirale abyssale de discours, rapports et condamnations, dont la concrétisation sur le sort des premiers concernés se fait pourtant toujours attendre.

Une décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), en date du 30 janvier 2020, aurait pu nous faire croire, pourtant à un changement radical et historique. Cette dernière avait été saisie, entre 2015 et 2017, de 32 requêtes, déposées par des personnes détenues en France métropolitaine et en outre-mer.

En cause principalement, une violation des articles 3 (interdiction des traitements inhumains dégradants et cruels) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l'homme : pour résumer, les requérants se plaignaient de leurs conditions de détention inhumaines et dégradantes et de la surpopulation carcérale et de l'absence de recours effectif en droit français pour pouvoir combattre efficacement ces conditions.

Par un arrêt en date du 30 janvier 2020, la France était condamnée par la CEDH, reconnaissant que les deux articles précités avaient effectivement été méconnus.

"La Cour estime que les requérants ont, pour la majorité d’entre eux, disposé d’un espace personnel inférieur à la norme minimale requise de 3 m² pendant l’intégralité de leur détention, situation aggravée par l’absence d’intimité dans l’utilisation des toilettes. Pour les requérants qui ont disposé de plus de 3 m2 d’espace personnel, la Cour considère que les établissements dans lesquels ils ont été ou sont détenus n’offrent pas, de manière générale, des conditions de détention décentes ni une liberté de circulation et des activités hors des cellules suffisantes.

La Cour a jugé en outre que les recours préventifs – le référé-liberté et le référé mesures utiles – sont ineffectifs en pratique. La Cour considère que le pouvoir d’injonction du juge administratif a une portée limitée. Malgré une évolution favorable de la jurisprudence, la surpopulation carcérale et la vétusté de certains établissements font obstacle à la possibilité, au moyen de ces recours offerts aux personnes détenues, de faire cesser pleinement et immédiatement des atteintes graves aux droits fondamentaux." (Extrait du Communiqué de presse de la Cour).


Des témoignages accablants

La longue décision interpelle. Y figurent de nombreux témoignages de détenus requérants ou d'extraits de rapports, comme ces observations de détenus du centre pénitentiaire de Ducos à destination de l'Observatoire international des prisons :

"Je viens vous tenir un détail de notre vie carcérale, avec tout ce que cela comporte de frustrant et d’humiliant. Le centre pénitentiaire de Ducos est l’un des plus surpeuplés de France, avec plus de 1 000 détenus pour une capacité de 500 places environ. Les cellules pour deux abritent quatre personnes. De ce fait, ceux qui dormant à terre cohabitent avec des cafards, des souris, des scolopendres, avec les risques de piqûres mortelles que cela peut entraîner. Les douches sont dans un état lamentable. Les produits de nettoyage de nos cellules sont donnés au compte-gouttes. Les rendez-vous chez le médecin sont donnés après trois semaines d’attente, voire des mois. C’est bien le surpeuplement de cette prison qui engendre des problèmes de violence et de rackets. La promenade et les activités sportives ne respectent aucune régularité de durée et de fréquence. Ceux qui sont enfermés 23 heures sur 24 souffrent énormément de la forte chaleur (32 degrés) car non seulement il y a un manque de ventilateurs, mais il y a des coupures de courant. Il faut aussi parler de nombreux rats morts qui tardent à être enlevés et qui dégagent des odeurs insupportables jour et nuit, pendant plusieurs semaines. (...) Tout cela fait que la prison de Ducos est vécue pour la plupart comme un véritable enfer"



« Ceux qui dorment à terre cohabitent avec des cafards, des souris, des scolopendres, avec les risques de piqûres mortelles que cela peut entraîner »


La situation de quatre détenues requérantes, du centre de détention de Nice :

"(...) La requérante A.M. (requête no 64482/16) est détenue depuis le 9 janvier 2013. Sa fin de peine est prévue pour le 8 février 2037. Elle dit occuper une cellule de 12 m2 qu’elle partage avec quatre détenues. Cette cellule dispose de deux lits superposés auxquels il faut ajouter un matelas au sol (elle précise avoir dormi dix mois sur un matelas), deux tables, cinq chaises, une armoire, un réfrigérateur, un lavabo, un bidet et des toilettes qui ne sont pas entièrement cloisonnés.

La requérante V.M. (requête no 44048/17) est détenue depuis le 26 avril 2016. Elle affirme partager une cellule d’environ 15 m2 avec quatre autres détenues (voire cinq). Elle a dormi deux mois sur un matelas. D’après un courrier du SPIP fourni par le Gouvernement, la requérante serait libérable en 2025.

La requérante P.P. (requête no 45365/17) fut détenue à la MA de Nice du 16 janvier au 20 juillet 2017, date de son transfert au CP de Marseille. Elle aurait partagé une cellule de 9 m2 (un peu plus grande cependant selon son avocat) avec quatre autres détenues.

La requérante S.C. (no 45369/17) fut détenue du 28 décembre 2016 au 2 août 2017, date de son transfert au CP de Bordeaux. Elle aurait partagé une cellule de 9 m2 avec quatre autres détenues. Un matelas doit être posé au sol pour celle qui ne peut pas dormir dans les lits superposés. La requérante explique que son sommeil est très perturbé à cause de la promiscuité.".


Ou encore la description du centre pénitentiaire de Fresnes, exposée via la citation des travaux du Contrôleur général des lieux de privation de liberté :

" La visite de la MA des hommes du CP de Fresnes par le CGLPL en octobre 2016 donna lieu à des recommandations en urgence publiées au Journal Officiel le 14 décembre 2016. Le CGLPL indiqua que sa visite avait conduit au constat d’un nombre important de dysfonctionnements graves qui permettaient de considérer que les conditions de vie des personnes détenues constituaient un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention. (...) Une surpopulation inacceptable entraînant des conditions de vie indignes.

Le nombre de personnes détenues au centre pénitentiaire de Fresnes a augmenté de plus de 52 % en dix ans, passant de 1 960 en 2006 à 2 989 en 2016. Pour la seule maison d’arrêt des hommes, le taux d’occupation moyen est de 188 %. (...)

Les cellules sont en principe individuelles, d’environ 10 m2. Pourtant, seul 13 % de la population incarcérée bénéficie d’un encellulement individuel, 31 % doit partager une cellule à deux et 56 % une cellule à trois. Dans ces cellules, une fois déduite l’emprise des lits (trois lits superposés), des toilettes et de la table, trois personnes doivent alors vivre dans un espace d’à peine 6 m², bien inférieur aux normes fixées par le Comité européen de prévention de la torture (CPT). Les toilettes, mal isolées, le délabrement de l’immobilier et l’hygiène déplorable rendent le confinement plus intolérable encore.

La surpopulation touche de nombreux établissements pénitentiaires français, mais à Fresnes, son caractère massif et durable lui confère un caractère particulièrement indigne.

Il est nécessaire que le taux d’occupation de l’établissement diminue rapidement et de manière conséquente, en commençant par la suppression immédiate des encellulements à trois.

Des locaux inadaptés et des conditions d’hygiène désastreuses.

Les parloirs (boxes d’1,3 à 1,5 m²) reçoivent de manière habituelle jusqu’à quatre personnes. L’absence d’aération, l’accumulation de salpêtre et de crasse sur les murs en font des lieux indignes, tant pour les personnes détenues que pour leurs visiteurs.

Les cours de promenade sont exiguës et dépourvues de bancs et d’abris. En l’absence de toilettes, les personnes détenues urinent dans des bouteilles qu’elles projettent ensuite par-dessus les murs. Il n’est pas rare que l’on voit plus de vingt cinq personnes dans un espace d’environ 45 m².

Les rats évoluent en masse au pied des bâtiments, dans les cours de promenade et aux abords des bâtiments tout au long de la journée. Ils ne s’effraient pas de la présence d’êtres humains. Leur odeur s’ajoute à celle des ordures au pied des bâtiments (pollution résultant en partie d’actes d’incivilité, mais aussi d’autres facteurs : promiscuité, absence de réfrigérateurs, taille insuffisante des poubelles). Cette situation porte directement atteinte à la santé des personnes, détenus et personnel.

L’établissement est infesté par les punaises de lit. Entre mars et octobre 2016, 281 cas ont été déclarés à l’unité sanitaire (10 % des consultations). La promiscuité dans les cellules accroît la gravité de cette situation. Les contrôleurs ont vu de nombreuses personnes détenues présentant des traces de piqûres. (...)

La rénovation du centre pénitentiaire de Fresnes constitue une urgence. La présence de nuisibles porte à la fois atteinte à la dignité et à la santé des personnes détenues"


Une situation généralisée

Plusieurs points, communs à quasi l'ensemble des établissements mis en cause, avaient justifié cette condamnation par la Cour :

- la surpopulation carcérale engendrant un espace compris entre 2 m2 et 3 m2 par détenu avec un enfermement dans ces cellules pouvant aller jusqu'à 22 heures par jour ;

- la présence de nombreux nuisibles (cafards, rats, puces, etc.) ;

- des établissements vétustes et insalubres (notamment en termes d'hygiène, d'isolation, etc.) ;

- des climats de tension et de violence qui en résultent, ainsi que des maladies respiratoires, de peau, des troubles psychologiques pour les détenus.

A l'issue de cette condamnation de la France, sur le fondement de l'article 46 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'Etat avait été sommé de mettre les conditions de détention des détenus en France en conformité avec l'article 3 et que cette mise en conformité devait comporter une résorption définitive de la surpopulation carcérale.

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Non, les établissements pénitentiaires récemment visités par nos élus ne sont pas des exceptions. En juin 2022, la Section Française de l'Observatoire international des prisons, a rendu un rapport intitulé "Dignité en prison : quelle situation deux ans après la condamnation de la France par la Cour européenne des Droits de l'homme ?" (disponible ici), dressant un bilan peu optimiste tant de l'état des prisons en France et des conditions de détentions que de l'inaction des pouvoirs publics : 71 038 personnes étaient détenues dans les prisons au 1er mai 2022 pour environ 60 100 places opérationnelles, soit davantage de détenus que ce qui avait valu à la France d'être condamnée par la CEDH.

Et les constats n'ont pas davantage évolué : des personnes entassées dans des cellules insalubres, sans intimité, parfois jusqu'à 22 heures par jour, la présence de nuisibles, des accès aux soins de plus en plus compliqués, un climat de tension et de violence, etc. Le rapport met d'ailleurs en évidence que la situation sanitaire liée à la pandémie de Covid19 a aggravé ces conditions3.

Récemment encore, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté émettait des recommandations en urgence, ensuite d'une visite du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan.

Sur les photos prises lors de ce contrôle l'on peut observer des matelas posés à même le sol , sous des meubles, empêchant toute circulation au sein des cellules de moins de 9m2 accueillant a minima trois personnes et dépourvues de toilettes fermées :

" À l’arrivée des contrôleurs, 145 cellules étaient triplées avec un matelas au sol. Les prévenus représentaient la moitié de la population détenue au centre pénitentiaire. La grande majorité des personnes incarcérées sont enfermées en cellule vingt-deux heures sur vingt-quatre, sans accès à aucune activité. Cette situation s’est aggravée depuis l’instauration d’une promenade quotidienne unique."

Outre cette surpopulation, la contrôleure dénonce l'état de l'établissement, vétuste et insalubre, là encore photos à l'appui :

" Eu égard à l’état du bâti dans la maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, l’hébergement d’êtres humains devrait y être proscrit. Les cellules du bâtiment A ont une superficie, de 7,90 m² hors emprise des WC (celles du bâtiment B font 10m²) et de 2,57m², hors emprise du mobilier. Les murs sont lépreux, la luminosité naturelle est faible (21 lux) et la luminosité électrique médiocre (65 lux). Les WC ne sont séparés du reste de la cellule que par une mince cloison de contreplaqué et n’ont pas de porte ou des portes incomplètes. Les personnes détenues confectionnent des rideaux de fortune, en déchirant des draps, afin de s’assurer un minimum d’intimité. Il fait très chaud en été et très froid en hiver, les fenêtres ne fermant pas correctement, voire pas du tout dans le bâtiment B où la plupart des vitrages en plexiglas ont été ôtés pour assurer un minimum de circulation d’air. Les douches collectives sont insalubres (excepté celles du premier étage du bâtiment A, rénovées en 2021). Sans portes, elles ne garantissent aucune intimité, ne sont pas toutes fonctionnelles et sont dépourvues de dispositif de réglage de la température de l’eau, laquelle est souvent glacée ou brûlante. Les personnes détenues ne sont pas autorisées à se doucher les dimanches et les jours fériés. L’absence d’accès à l’hygiène corporelle qui en résulte, pendant des durées qui peuvent atteindre 72h, représente une contrainte majeure pour trois détenus enfermés dans moins de 8 m², et parfois soumis à des températures caniculaires."


« Je souffre le calvaire, je suis rongé jusqu'au sang, tout mon corps est recouvert de plaques, boutons et cela me démange. C'est atroce. »




Aussi, la question cyclique du sort des détenus, renouvelée actuellement à l'occasion de ces fortes chaleurs, est l'occasion de pointer une inaction gouvernementale aussi chronique et systémique que la surpopulation carcérale.

Avant la condamnation par la CEDH, un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté (disponible ici), rendu en 2018 fustigeait déjà les modalités de la détention en France et l'effet de la surpopulation carcérale sur les conditions d'emprisonnement. On y retrouve plusieurs témoignages de détenus :

" Nous sommes trois dans une cellule. Je dors au sol, dans des locaux vétustes à moins d'un mètre d'une poubelle. La nuit je suis réveillée par des cafards qui me marchent dessus" (Témoignage d'un détenu de la maison d'arrêt de Basse-Terre, 2017)

"Depuis six mois, la cellule est infesté de punaises. Madame, je souffre le calvaire, je suis rongé jusqu'au sang, tout mon corps est recouvert de plaques, boutons et cela me démange. C'est atroce" (Témoignage d'un détenu du Centre pénitentiaire de Fresnes, 2017).

Mais, dès 2000, la publication du livre "Médecin-chef à la prison de la santé", de Véronique Vasseur, avait permis de rendre publique et accessible cette triste réalité. La France émue, l'Assemblée nationale et le Sénat s'étaient emparés du dossier et rendaient chacun un rapport sur les prisons françaises :

" A Nice, des morceaux du plafond s'effondrent régulièrement et en cas d'orage, les coupures de courant sont fréquentes en raison de la vétusté de l'installation électrique.

La cuisine de la maison d'arrêt de Toulon est sordide, les murs sont gorgés d'humidité et s'effritent lentement. Si les couloirs sont bien entretenus et repeints régulièrement, les cellules sont en piteux état. Leur rénovation est entravée par la surpopulation qui ne permet pas de " vider " certaines cellules pour les repeindre.

A la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, 5 millions de francs ont dû être débloqués dans la loi de finances pour 2000 afin d'assurer la protection des personnes au pied des façades qui s'effritent par bloc. Selon les informations obtenues par la commission d'enquête, le programme de rénovation de cet établissement a été chiffré à 1,55 milliard de francs, soit autant que sa reconstruction après seulement 30 ans d'existence ! Cet exemple illustre les effets d'une maintenance insuffisante...

A Fresnes, le terrain de sport a été fermé parce qu'il n'était plus conforme aux normes.

A Loos, la plupart des installations électriques ne répondent pas aux normes, la cuisine est particulièrement vétuste et les toitures sont très abîmées. En outre, au pied des façades s'accumulent des monceaux de détritus qui sont jetés continuellement des fenêtres par les détenus. La direction s'est estimée impuissante devant ce phénomène malgré l'emploi de détenus du service général pour ramasser les détritus. La délégation a cependant observé que d'autres maisons d'arrêt confrontées au même problème (comme celle de Nanterre) avaient instauré un système de ramassage beaucoup plus efficace.

Certaines douches de la maison d'arrêt de la Santé sont sordides : le plafond est couvert de salpêtre, la peinture a disparu, il manque le carrelage.

D'une manière générale, la visite des établissements à gestion publique laisse une impression d'abandon : les peintures sont écaillées, les grilles rouillées, le matériel dégradé n'est pas remplacé, les cours sont en terre battue ou bétonnées, il n'y a pas d'espaces verts. Seuls les quartiers des femmes tranchent dans cette grisaille. Les cellules sont parfaitement nettoyées et en très bon état malgré la surpopulation, les sols sont lavés, même les oeilletons des portes sont briqués." (Extrait du rapport sénatorial "Les conditions de détention dans les établissement pénitentiaires en France", déposé le 29 juin 2000).





En France, le principe de l'encellulement individuel a été introduit par une loi du 5 juillet 1875, jamais concrétisé.





L'indignité des prisons françaises est donc un constat récurent et unanime depuis de nombreuses années. Il est surprenant qu'à vingt années d'intervalle, il soit impossible de dater à sa seule lecture un document traitant des conditions de détention. 1999-2022, rien n'a réellement évolué.

En matière de dignité des personnes détenues, l'Etat français nous habitue à prendre notre mal en patience : en France, le principe de l'encellulement individuel a été introduit par une loi du 5 juillet 1875, jamais concrétisé. La loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a réaffirmé ce principe mais l'Etat français s'est octroyé la possibilité d'y déroger durant cinq ans, soit jusqu’au 25 novembre 2014. Ne pouvant être respecté à cette date, la ministre de la justice a proposé un moratoire jusqu’au 31 décembre 2019, accepté par la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014. Enfin, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a prorogé ce moratoire jusqu’au 31 décembre 2022.


Vers le maintien des détenus dans l'indignité

Ce retard dans la prise en compte de la surpopulation carcérale est d'autant plus déplorable que l'année 2020 a été l'occasion de démontrer que cette situation n'était pas nécessairement fatalité : au printemps 2020, des mesures de libérations anticipées associées à une diminution des condamnation avaient permis de diminuer la population carcérale rapidement :

"En deux mois, le nombre de personnes détenues avait diminué de plus de 13 500. Il y avait alors pour la première fois depuis des décennies moins de personnes détenues que de places de prison" (Extrait du rapport de la section française de l'Observatoire international des prisons, disponible ici).

Néanmoins, dès juin 2020 la population a augmenté de nouveau, faute d'une politique volontariste de la part du gouvernement : après être passées en mai 2020 en dessous de 60 000 personnes détenues, les prisons comptabilisent aujourd'hui de nouveau plus de 70 000 personnes, malgré la condamnation de la France.

Cette situation, si ancienne, si indigne et inhumaine ne semble pas prête de s'infléchir puisque l'Etat semble vouloir privilégier le recours à la construction de nouveaux établissements pour répondre à la surpopulation, sans aucunement remettre en cause une politique pénale trop répressive et misant sur l'incarcération.

De telles politiques sont pourtant contraires à toutes les recommandations, tant internationales qu'internes, sur la question : « Plus vous construisez de nouvelles prisons, plus vous avez de détenus dans un pays. C’est une loi que personne n’a réussi à mettre en défaut », indiquait dès le début des années 2000 Ivan Zakine, ancien président du Comité européen pour la prévention de la torture. En France, en effet, la construction d'établissements supplémentaires, passant de 36 600 en 1990 à 61 000 en 2020 n'a jamais réglé le problème de la surpopulation, au contraire.

La section française de l'observatoire international des prisons alerte sur le coût de telles politiques, que ce soit budgétairement, dès lors que la réalisation de nouveaux bâtiments est extrêmement coûteuse et que ce budget est alloué à défaut d'être affecté aux rénovations des établissements existants, ou socialement, puisque le budget alloué à la réinsertion, la prévention de la récidive et la formation des détenus est également grignoté par le "tout carcéral"4.

Inaction climatique pour réellement lutter contre les canicules, inaction politique pour réellement s'attaquer à la surpopulation carcérale, les conditions de détentions ne devraient pas s'améliorer ces prochaines années. Dès lors, l'on a beau avoir supprimé en 1981 la peine de mort, faisant de la prison la peine maximale de référence, on peut considérer que la mort est une peine colatérale pour certains détenus. La section française de l'Observatoire international des prisons relève qu'en 2020, 119 personnes incarcérées sont décédées par suicide et que la France demeure l’un des pays qui présentent le niveau de suicide en prison le plus élevé de l’Europe des Quinze.

POUR ALLER PLUS LOIN

https://www.vie-publique.fr/eclairage/269812-politique-penitentiaire-chronologie

https://oip.org/analyse/surpopulation-carcerale-la-cncdh-plaide-lurgence-dagir/https://oip.org/analyse/surpopulation-carcerale-la-cncdh-plaide-lurgence-dagir/

https://oip.org/analyse/le-quinquennat-cote-prisons-beaucoup-de-bruit-pour-rien/#_ftn16

https://www.vie-publique.fr/en-bref/273154-prisons-une-surpopulation-chronique-la-france-condamnee-par-la-cedh

NOTES

1 Article 719 du code de procédure pénale

2 Voir notamment un article de Reporterre ici

3 En janvier 2022 également, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté alertait sur la situation des personnes enfermées pendant la recrudescence de la pandémie (à lire https://www.cglpl.fr/2022/covid-19-nouvelle-alerte-du-cglpl-sur-la-situation-des-personnes-enfermees/).

4 Selon le rapport de l'Observatoire international des prisons, pour 2022, le budget dévolu à la prévention de la récidive et à la réinsertion est de 90 millions d’euros seulement, soit dix fois moins que celui alloué à la construction de nouvelles prisons.

Le 5 août 2022 à 12h25

Solitude
Communiste acharnée

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Au-delà de la question de savoir s'il faut ou non des prisons, trop souvent on voit des gens qui évacuent la question de la détention en se disant qu'au fond un prisonnier l'a bien cherché.

Merci de rappeler toutes ces réalités sur les conditions réelles en détention, alors même que certains détenus sont en plus censés bénéficier de la fameuse présomption d'innocence.

Les témoignages sont juste hallucinants.

J'aime bien que tu rappelles le moment du Covid où on a su faire de la place dans les prisons. Ça montre, je crois, qu'un effort politique en ce sens est largement faisable.

administratrice

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Vindicte - dernière mise à jour le 26 juillet 2024

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